34 ans aujourd'hui...
Bonjour à vous, amis bloggeurs. Voici une porte ouverte sur Haïti, pays dans lequel nous avons vécu et travaillé pendant près de deux ans. Nous habitions à
Pérodin, petit village au coeur de la chaîne des montagnes noires, appelée aussi chaîne des Cahos, dans le département de l'Artibonite.
En octobre 2005, nous atterrissions à Port-au-Prince. Nous avions été embauchés par l'association Inter Aide en tant que responsables d'un programme de scolarisation primaire dans une zone
"rurale et isolée", selon les termes de l'annonce...
Un an plus tard, revenus dans les mornes haïtiennes et heureux propriétaire d'un appareil photo numérique, nous avions
désormais la possibilité de vous faire découvrir en images notre cadre de vie.
|
|
OK, vous les avez assez vus ! Mais peut-être les reverrez-vous... Non non, nous ne reviendrons pas gagas d'Haïti ;-) ! |
Dans certains mails que nous recevons de « lot bo » (littéralement l'autre bord = l'autre côté de l'Atlantique en l'occurrence), nous ressentons comme une certaine mélancolie, David pourrait dire comme « une sorte de pas de goût » -une langue à part entière le bilzicien ;-)- alors même que les températures chutent en Occident.
Je me souviens de m'être moquée, gentiment, des discussions et préoccupations sur le temps qu'il fait et ses effets sur le moral de chacun. Et pourtant, même Bénabar le dit : « La larme à l’œil à l'automne, parce qu’elles sont mortes les feuilles,... » Alors si Bénabar le dit... ! C'est vrai, il y a des choses pas toujours agréables en cette saison. Par exemple, je trouvais particulièrement déplaisant, la prise du métro alors qu'il fait froid dehors : on est super bien couvert avant d'y entrer, on ne se déshabille pas dans la rame, on a chaud puis froid en sortant. Vous me direz, le métro en période de grosses chaleurs, ce n'est pas terrible non plus ! Vive le vélo : on transpire mais on sait pourquoi ! Bref, je m'égare...
Le climat a-t-il réellement un effet sur vos moraux (un moral des moraux ? bizarre), à vous de me le dire ? Ici aussi, le temps change... À Hennebont, Maman fait du feu dans la cheminée pour chasser l'humidité. J'aimerai pouvoir faire de même ! La saison dites des pluies est officiellement terminée mais l'atmosphère demeure très... disons « mouillée ». Nous entrons à présent dans ce qu'on appelle, ici aussi, l'hiver. Les températures sont plus fraîches, les soirées et les nuits sont presque froides. Le jour décline dès 15 heures et il fait nuit noire à 17h30, dans un univers où il n'y a quasiment pas de moyen énergétique pour s'éclairer. En plus, ces jours-ci, on a du « mové tan » comme le nomment les Haïtiens : nuages, averses plus ou moins grosses, « lanèj » (brouillard),... Résultat, non seulement ça ne sèche pas mais en plus ça moisit très rapidement : les chaussures, le linge même rangé propre dans l'armoire, les tisanes dans leur emballage en papier, le plateau de jeu du Scrabble !
Mélancolique automne ? En tout cas, en ce moment, je ronge un peu mon frein. Il faut dire que l'on travaille pour un projet auquel on croit mais pour lequel il est très difficile de trouver des financements. Notre chef n'arrête pas de nous le dire, les bailleurs de fonds n'en veulent plus de ce programme vieux de 20 ans ! Et puis, en ce moment, rentrée scolaire et fin d'année civile oblige, nous avons tout un tas de documents à faire, de grilles de chiffres à remplir, de base de données à renseigner, tâches qui ne sont pas foncièrement inintéressantes mais bon ce n'est pas la panacée non plus et puis, pour quelle utilité ? Si personne ne veut plus y croire à ce projet ? En plus, on a personne avec qui aller boire un coup le soir !
Vous le savez tous, nous pourrions continuer à parler ou écrire des heures sur le temps qu'il fait et ses effets. Mais, tout compte fait, cette saison n’a, ici du moins, sans doute pas plus d’inconvénient qu’une autre. Dans les Cahos, l'absence de précipitations est bien plus préjudiciable... Tout bien considéré, en ce qui me concerne, tout cela n'a donc sans doute pas grand chose à voir avec le temps qu'il fait...
Aujourd’hui, je vais tenter d’écrire un article sur les difficultés rencontrées ici en terme de relations humaines. Pas facile… Ni à vivre, ni à décrire !
Dans les Cahos, mornes dans lesquelles nous vivons le plus souvent, les relations que nous entretenons avec les habitants sont bonnes, cordiales, sympathiques même. Mais, nous sommes les Blancs, toujours, et, de fait, employeurs potentiels ou réels. Une certaine distance est maintenue à notre égard. On ne vient chez nous que pour nous demander quelque chose et nous ne sommes pas invités chez les autres. Difficile donc d’aller plus loin qu’une relation finalement assez superficielle.
Avec les autres expatriés, « expats » pour les intimes, cela s’avère également compliqué mais pas pour les mêmes raisons. Nous sommes très peu nombreux à travailler pour Inter-Aide en Haïti : sept dans les Cahos (cinq en haut, deux en bas) et dix en tout. Et, nous ne restons pas assez longtemps à Port-au-Prince pour rencontrer d’autres gens. Nous ne choisissons donc pas vraiment les gens que nous côtoyons et ils sont peu nombreux. Si vous ajoutez à cela que parmi les dix il y en a un ou deux qui ont une attitude vraiment désagréable à notre égard… Pas facile !
En outre, dans les montagnes, nous sommes tous responsables de programme sur plusieurs zones. Nous nous déplaçons donc régulièrement et sommes hébergés chez des collègues. Dès le début, sans nous connaître vraiment, tous, nous partageons une intimité forcée, savons lorsque l’un ou l’autre est malade, découvrons les habitudes et petites manies de chacun, partageons le petit déjeuner et la salle d’eau, etc. Pas tout à fait habituel comme prise de contact ! Certains envisagent et disent que, de tout façon, nous serons potes. Nous, au moins au début, on était plutôt de ceux-là… D’autres, peut-être pour se protéger, semblent au contraire ne pas vouloir s’investir davantage dans une relation qui est, de fait, de proximité. Comme si : « On garde les cochons ensemble, OK, on n’a pas d’autre choix mais, surtout, que ça n’aille pas plus loin ! » Pas facile donc…
Récemment, une collègue sur le départ disait : « J’ai passé un an et demi ici, je ne me suis pas fait de copine… ». Notre chef était présent. Il répond, très chef sans doute : « Tu n’es pas venue ici pour te faire des copines ! » Elle ne se démonte pas et affirme que, certes, elle n’est pas venue en Haïti pour avoir des amis mais elle pense que, dans l’absolu, c’est quelque chose qui peut arriver, lorsque l’on vit pendant un an et demi dans un endroit, de développer des relations amicales. Je le pensais aussi…
J’ai parfois l’impression de tomber à côté lorsque je m’adresse aux gens. Pourtant, ma sollicitude n’est ni feinte, ni forcée... C’est ma façon d’être que de m’enquérir de la situation des autres, comment ils vont, etc. Il faut croire que je devrais me débarrasser de ce trait de caractère !
Du coup, tout petit nombre de relations oblige, je me pose parfois des questions sur les relations que j’entretiens avec les autres, tous les autres, pas seulement ceux d’ici… Et, il m’arrive de me demander si je fais bien avec tous ces autres… Pas facile du tout ! Ce sont des jours plutôt « sans ».
Pas facile donc mais, comme pourrait dire Lucien Gourong, conteur breton, « faut faire avec ! », situation oblige. « Nou pa gen lòt chwa ! » Faisons avec donc, du moins pour les quelques mois à venir...